Un grand sourire dans le visage de la France

Quand j’étais gamine, à l’école primaire, j’avais pour voisine de classe Véronique B., un visage doux, un regard malicieux derrière ses lunettes d’écaille, une longue queue de cheval châtain. Une petite fille ordinaire et heureuse, tout comme moi. Sauf que j’étais un peu garçon manqué et l’une des rares à parler à un garçon plus grand, plus âgé d’origine espagnole. Il veillait sur moi en échange. 

 

Mon père était radiologue à Troyes, sans associé. Un homme taciturne et exigeant, peu disert et avare de compliments. 

Ma mère venait d’une autre province, d’un village de moins de deux cents habitants où mon grand-père dirigeait une entreprise familiale qui fabriquait des cuves en acier pour l’industrie. Une de ces multiples petites entreprises qui émaillaient le pays et participaient au savoir-faire français, à la vie économique des régions.

 

Ce grand-père, que je n’ai pas connu car il est décédé avant ma naissance des suites d’une blessure de guerre, avait pourtant une forte identité dans mon esprit. Ma mère tout comme mes oncles et tantes, m’a souvent raconté qu’il était d’une grande ouverture d’esprit, curieux des autres, et tâchant toujours d’être juste.    

Montait-il un stoppeur, il arrivait qu’il reste plusieurs jours ensuite à la maison, celle des vacances de mon enfance. Ses enfants faisaient-ils une bêtise ? Il préférait différer la punition pour y mieux réfléchir disait-il. En fait, la plupart du temps, le coupable avait eu tout le loisir de méditer à son acte dans l’attente du verdict, que de punition il n’y avait même plus besoin.

 

Un père blanc de la famille passait chaque année une ou deux fois, rapportant des histoires et des objets de l’Afrique noire où il œuvrait. On lui envoyait des colis de livres ou d’autres choses utiles pour ses écoliers. Chez ma grand-mère, nous avions aussi la visite l’été de nos cousins anglais avec lesquels nous, enfants, communiquions surtout par gestes.

Ma mère avait une aide pour la maison et s’occuper de nous trois. Elle s’appelait Graciete et nous aimions son bon sourire et sa poitrine généreuse où nous réfugier pour oublier nos chagrins d'enfant.

 

J’avais une autre amie en primaire, Norah, dont les parents étaient algériens émigrés en France. Quand elle souriait, ses dents banches éclairaient son visage mate d’un éclair magnifique. Le chemin de l’école nous avait rapproché et nous aimions pendant la récréation nous percher sur le muret entourant la cour, les pieds coincés entre deux barreaux pour commenter tout et rien.

C’est peut-être de tous ces visages côtoyés dans l’enfance que je garde profondément ancré en moi le goût de voyager, d’aimer les accents, les récits d’autres cultures, la force d’un sourire quand on n’a pas les mots. C’est aussi aussi sans doute le résultat de mes lectures. Je me souviens notamment de cette collection de livres documentaires qui racontait la vie d’enfants d’autres pays.

 

J’ai travaillé plus tard dans le Tourisme, guidé des étrangers dans Paris, vécu et voyagé dans d’autres pays, été moi-même l’étrangère devant m’exprimer dans une langue autre que ma langue maternelle, m’habituer à d’autres coutumes ou faire valoir mes différences. J’ai aimé les possibilités, les rencontres, les enseignements de cette mobilité et je la souhaite aussi à mes enfants qui n’en seront pas pour autant des déracinés car tout comme moi, ils aiment leur coin du monde, leurs expériences ici vécues qui constituent à jamais une partie de leur mémoire profonde.

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Olivier FERCOCQ (lundi, 01 mai 2017 22:58)

    Ya pas ! Tu écris magnifiquement bien . On dirait une tranche de vie racontée par Dostoievski sans la fièvre slave. Au contraire j ai ressenti dans ton style le caractère paisible des années 60 dans cette province française un peu calme.
    Le style rien que le style comme disait Céline .
    Bravo chère petite Sylvie que j imagine sur son muret d école
    Bise
    Olivier